Le numérique est en perpétuel mouvement. Toutefois, des obstacles se lèvent entre acteurs de l’écosystème du numérique, plombant l’éclosion des jeunes pousses. Ils pourraient être levés à certaines conditions.
Le « Dynamisme entre les écosystèmes du numérique en Côte d’Ivoire » est tributaire d’une condition de base : être « des concurrents sans être des ennemis » entre acteurs du privé, selon Gertrude Koné, directrice exécutive de l’Union nationale des entreprises de Côte d’Ivoire (UNETEL).
Une conviction qu’elle a partagée au cours d’un panel autour de ce thème, à l’Africa Web Festival (AWF2022), au Palais de la culture d’Abidjan-Treichville, ce jeudi 24 novembre 2022. La preuve, a-t-elle argumenté, les opérateurs télécoms se livrent, certes, une concurrence féroce sur le marché, mais elles appartiennent à une organisation commune : le Groupement des opérateurs des TIC (GOTIC) « parce qu’ils ont des points de convergence ».
Un autre regard sur l’écosystème du numérique ivoirien
Sortir du repli sur soi
Dans un regard croisé, Founseni Soro, directeur général de Suzang Group, entreprise spécialisée dans la communication 360 degrés, apporte du grain à moudre. Il cite en exemple Amazone, géant mondial du e-commerce : « Cette entreprise fait aussi du cloud computing avec son Amazone Web Server (AWS). Elle permet ainsi à d’autres acteurs du e-commerce d’héberger leurs sites web sur sa plateforme d’hébergement web. Autrement dit, Amazone propose des services à des concurrents ».
Sauf que, regrette-t-il, « en Côte d’Ivoire, nous faisons le constat d’un repli sur soi. On a le sentiment que nos devanciers, les dinosaures du numérique, ont fermé l’écosystème. Résultat des courses, les jeunes entreprises arrivent sur le marché avec des idées novatrices mais ne parviennent pas éclore ». Pis, il observe dans cet écosystème une crise de confiance criante dans les compétences locales. Cela se traduit, dit-il, par le discours d’assistanat, tenu en boucle aux jeunes.
Ouvrir les marchés du numérique aux jeunes entreprises ivoiriens
« Si on veut un écosystème dynamique, il ne faut pas avoir un regard condescendant à l’égard des jeunes », propose-t-il. À défaut, ils restent enfermés dans les liens de l’inaction et du défaitisme. Peut-être faut-il alors « changer de discours », leur expliquer que sur le marché, il n’y a pas de philanthropie, que les géants n’ont pas pour vocation d’aider, mais de faire business avec eux. Les questions substantielles à poser seraient de ce point de vue : Quel service proposez-vous ? Que pouvez-vous apporter à une entreprise ? Comment pouvez-vous lui faire gagner en chiffre d’affaires ?
« Si on part sur cette base, tout le monde gagne », est convaincu Founseni Soro. Pour lui, les jeunes entreprises n’ont d’autres moyens d’existence que de proposer leurs services. Des services qu’elles entendent du reste déployer à la perfection, à condition que les donneurs d’ordres, en particulier l’État, ouvre le marché. Mais encore faut-il, par exemple, que sur des marchés de plusieurs milliards, l’État impose aux grandes entreprises de travailler avec des jeunes entreprises afin qu’elles montrent leur savoir-faire et gagnent en expérience.
Un problème de communication entre acteur de l’écosystème
Un challenge que la communication entre acteurs de l’écosystème du numérique et un cadre de dialogue permanent privé-privé pourrait relever, au dire de la directrice exécutive de l’UNETEL. Étant entendu que les PME sont confrontées aux mêmes défis : accès au marché, financement, ressources humaines compétentes. La Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) offre certes ce cadre d’échanges.
« Mais, vous savez que les associations sont dynamiques et nombreuses. Il nous appartient de les identifier pour mettre en place des axes de collaboration dans le conseil, la formation, etc. « Si on se retrouve plus souvent, si on se parle plus souvent, si on apprend à se connaitre, à faire de la co-construction, on peut s’en sortir. Contrairement à ce qu’on croit, le GOTIC a les mêmes problèmes d’accès au marché que les jeunes entreprises. La zone de libre échange arrive. L’Afrique du sud et l’Afrique du nord ont une longueur d’avance sur nous », avertit Gertrude Koné.
La solution, construire un dialogue public-privé inclusif
« Si on n’arrive pas à faire comprendre nos préoccupations à notre administration, si on n’arrive pas à définir des stratégies avec notre administration, alors, on aura échoué, et les marchés de l’État iront toujours aux entreprises étrangères, plus fortes que nous. Nous devons montrer à l’État que nous avons les mêmes compétences sinon quelquefois de meilleures compétences que ceux qui viennent de l’étranger », conseille-t-elle. D’où son appel au renforcement du partenariat public-privé.
De ce qui existe, des résultats ont déjà été obtenus. « Quand j’étais directrice exécutive du GOTIC, on a dû assiéger les pouvoirs publics pour leur expliquer que l’accès au marché chez nous et à l’extérieur est compliqué, surtout dans la sous-région. Quand bien même, il existe des textes communautaires, ailleurs, la préférence nationale est développée, alors que chez nous, c’est ouvert. Donc, on a demandé à l’État de fixer aussi des barrières ! », rappelle Gertrude Koné. Il s’est ensuivi la révision des textes de la direction des marchés publics dont plusieurs PME profitent.
K. Bruno