Foster N’Cho, président de l’Union nationale des blogueurs de Côte d’Ivoire (UNBCI), veut ramener le blogging à ses fondamentaux : produire du contenu de qualité. Il regrette, par contre, que les internautes soient plus attirés, aujourd’hui, par « les papos » et le buzz que par la connaissance et le savoir.
Quels sont les objectifs de l’UNBCI dont vous êtes le président ?
L’Union nationale des blogueurs de Côte d’Ivoire UNBCI a pour objectifs de démocratiser le blogging, former la jeunesse à l’utilisation des outils numériques, et mettre en avant les acteurs du numérique et de l’entrepreneuriat numérique.
Il y a 10 ou 15 ans, le blogging était au sommet, on pourrait dire qu’il a atteint son apogée en ce temps-là. Aujourd’hui, il semble moins intéresser le public. Qu’est-ce qui a changé ?
Je ne dirai pas que le blogging était à son apogée, il y a de cela quelques années. Je pense plus à un changement de mentalité des internautes sur internet et sur les réseaux sociaux, de façon générale. Depuis environ 5 ans, les utilisateurs ne sont plus les mêmes sur les réseaux sociaux. Avant, on avait un nombre réduit d’utilisateurs d’internet, des personnes de qualité, donc on avait des contenus de qualité.
Qu’en est-il aujourd’hui l’écosystème du blogging ?
Malheureusement, aujourd’hui, en termes de contenus, les internautes ne sont pas aussi exigeants que par le passé. Du coup, ça a mis un peu en baisse les blogueurs qui produisent des contenus de qualité, qui écrivent, qui transmettent le savoir. C’est le temps du populisme des blogueurs de peu d’envergure. Ils sont certes suivis par un grand nombre d’internautes, mais ils ne produisent pas forcément des contenus de qualité. On y travaille afin d’y remédier.
Est-ce que vous regrettez qu’il n’y ait plus de grands noms de blogueurs ?
On ne regrette pas qu’il n’y ait plus de grands noms de blogueurs. On regrette plutôt la qualité des internautes d’aujourd’hui. Ce ne sont pas les blogueurs de qualité qui manquent, c’est la qualité des internautes qui a totalement baissé. Aujourd’hui, ils s’intéressent plus au buzz. Donc, même quand on produit du contenu de qualité, ça ne fait pas grand effet.
Est-ce que Facebook vous a contrariés ?
Non, Facebook a toujours été un des outils majeurs de propagande du blogging et de divulgation des messages. Facebook n’est pas une contrainte pour le blogueur. En revanche, il a un impact sociétal, éducatif en termes de priorisation. Malheureusement, certaines personnes, qui ont raté certaines choses à la base, se retrouvent sur internet. Elles n’ont pas d’exigence en termes de contenus, et c’est ce qui fait qu’on se retrouve avec des blogueurs de qualité, relégués au second plan.
Dans cet environnement, est-ce que le blogging est encore utile ?
Le blogging est très utile dans le sens où il y a encore des personnes qui s’intéressent aux productions de qualité. Nous avons encore des milliers d’abonnés, on fait des publications et il y a des milliers de personnes qui partagent nos publications. Ce qui veut dire qu’il y a des personnes qui s’intéressent à la qualité. Aujourd’hui, on a des gens qui font, certes, des millions de vues, des buzz et autres, mais je vous assure que nos autorités administratives et politiques, lorsqu’elles veulent parler à des blogeurs, elles ne se dirigent pas vers ces gens-là, mais vers nous.
Quelle est la différence entre les influenceurs, que vous refusez de nommer, et vous les blogueurs ?
Je ne fais pas de différence entre qui que ce soit. Chacun développe sa thématique. Il y a des blogueurs qui parlent d’automobile, de technologie, de mode, etc. Les autres, ils parlent de « papos », de buzz. C’est leur contenu. Ils se sont adaptés au public du numérique d’aujourd’hui qui aime ça. C’est la thématique qu’ils ont décidé d’aborder. Je souligne simplement que les thématiques qu’ils abordent ne sont pas éducatives, elles ne sont pas constructives. C’est ce qui est déplorable.
Qu’auriez-vous souhaité ?
On aurait voulu avoir une démarche plus constructive, plus évolutive permettant aux gens d’apprendre des choses. Nous, en tant qu’organisation, on ne se limite pas à internet, on va dans des villes pour former des gens, on a parcouru plus d’une vingtaine de villes en Côte d’Ivoire. Il y a des jeunes blogueurs qui ont eu du boulot, aujourd’hui, juste pour une formation d’une heure parce qu’ils ont compris l’intérêt de la chose.
Quelle est la différence entre une page Facebook et un blog ?
Il n’y a pas vraiment de différence, car ils servent tous à partager du contenu. Mais, on peut avoir une page Facebook et ne pas être blogueur même si on publie tous les jours. En terme d’autonomie, le blog est plus flexible pour les possibilités d’utilisation selon les besoins. Par contre, la page Facebook est soumise à des règles d’utilisation de Meta, la société mère de Facebook.
Vous avez parlé de travailler, rééduquer, restaurer la qualité des internautes et des contenus…
En termes de travail, on le fait déjà avec cette activité qu’on tient ce jour, à l’occasion de la Journée mondiale du blog. Nous allons pousser les jeunes à produire du contenu de qualité, à écrire et bien écrire. Si vous avez remarqué, que ce soit sur internet ou à l’école, les jeunes ont du mal à écrire correctement. Ils se disent qu’ils n’ont pas besoin de ça. Ils ont juste à prendre leur téléphone, faire des vidéos, parler, et le tour est joué.
Que faut-il faire pour rattraper cette dérive ?
Si tu ne sais pas écrire correctement, il y a de fortes chances qu’on ne te confie pas des choses à faire dans ton travail. Il y a un certain niveau professionnel que tu ne pourras pas atteindre. On essaie donc de rééduquer, de retourner aux fondamentaux. Si on réussit cette mission, le contenu de qualité va reprendre le dessus. Et c’est déjà en train de prendre le dessus.
Entretien réalisé
Par K. Bruno
Ret : Aida Nounty Soro