Au cours d’un panel sur la stratégie de développement de l’économie numérique en Côte d’Ivoire, tenu au BBR, sur l’île Bouley, fin novembre 2022, lors de l’African Digital Week, le directeur général de MTNCI a exprimé une divergence de vue avec le gouvernement ivoirien.
Pour Djibril Ouattara, l’Etat de Côte d’Ivoire n’a pas la bonne approche dans sa stratégie. Il ne se contente de faire une affirmation gratuite. Il argumente.
L’économie numérique, ce ne sont pas les infrastructures…
La Côte d’Ivoire enregistre une forte pénétration d’internet : 95% de la population utilisent de la data avec un débit minimum de 3mb/s permettant une bonne expérience en termes de vidéo streaming ; un fort taux d’utilisation du smartphone (50% au plan national, avec un pic à 75% dans le milieu urbain) ; et un nombre de lignes de téléphone ramené à la population de plus 140%.
« C’est énorme ! », s’exclame Djbril Ouattara.« Mais est-ce la politique publique est bien comprise pour accélérer cet élan ? Je dis non (…) On reste encore encré sur cet état d’esprit que l’économie numérique, cesont les infrastructures, c’est avoir un téléphone dans le village le plus lointain. A partir du moment où le ministère dit, mes axes prioritaires, c’est finir le Back Bone, c’est construire des data center pour une souveraineté des données, je dis on s’y prend mal, on se trompe fondamentalement », explique-t-il.
Mais une bonne formation des jeunes…
Quelle devrait être alors la priorité du gouvernement ? Réponse de Djibril Ouattara : « Les data center, il en existe beaucoup en Côte d’Ivoire. A MTN CI, nous en avons 4 normalement dimensionnés, mais qui sont totalement vides. Si les données de l’administration publique et du secteur privé se retrouvent dans nos data center, et qu’on n’a pas l’outil intelligent pour interpréter ces données, ça n’a pas de sens. Pour moi, il n’y a pas de notion de souveraineté en tant que telle ».
Le directeur général clarifie sa pensée : « Le vrai problème, ce ne sont pas les infrastructures, mais la formation des jeunes ? Est-ce qu’on leur a donné une culture entrepreneuriale suffisante ? Est-ce qu’on a créé cette élite capable de monter des start-ups de différents métiers ? D’une part, avec des gens qui savent faire des codes, et d’autre part, ceux qui savent anticiper sur les problèmes de nos communautés et faire du business ? Est-ce qu’on les a mis ensemble pour développer l’économie numérique ? »
Et des start-ups innovantes
La réponse est non, selon lui. Pourtant, il estime que la problématique des start-ups devrait être le pilier numéro I de la stratégie de développement de l’économie numérique d’un Etat. Sauf que, déplore-t-il, « on a laissé les start-ups aux opérateurs privés », MTN CI, en l’occurrence. « On se retrouve avec des jeunes à qui on donne des petites subventions de quelques millions. Dans ces conditions, comment un pays comme la Côte d’Ivoire peut-il avoir des licornes demain ? » La question est tranchante.
Cela ne veut, toutefois, pas dire que le développement d’infrastructures et le haut débit sur l’ensemble du territoire sont des chantiers inutiles. Mais, dit-il, la finalité devrait être d’apporter des solutions aux besoins des Ivoiriens, améliorer leur quotidien par des applications innovantes. Une perspective que seules de bonnes compétences numériques peuvent ouvrir.
Quand c’est clair, il n’y a rien d’autre à ajouter !
K Bruno