L’une des articulations de la Journée d’étude sur « Le futur du marché du travail en Côte d’Ivoire », organisée par la Fondation Friedrich Naumann, le 13 septembre 2022, à l’hôtel Novotel, Abidjan-Plateau, a été le panel : « E-commerce en Côte d’Ivoire : état des lieux, défis et opportunités ».
État des lieux du e-commerce en Côte d’Ivoire

Les animateurs de cet espace de partage d’expériences, Christian Picard, directeur-pays de Glovo, et Medyne Hamidou Diabaté, consultant, ont fait un constant commun : La Côte d’Ivoire est terreau fertile au développement du e-commerce. Il reste toutefois à déployer des stratégies pertinentes pour capter un marché plus vaste.
À titre d’exemple, « nous avons près de 160000 boutiques de proximité. Mais, ces boutiques n’ont pas été associées au développement du e-commerce dès le départ », regrette Medyne Hamidou Diabaté. L’entreprise Glovo l’a si bien compris qu’elle a développé une stratégie permettant à une boutique, pas directement liée à elle, de profiter de sa plateforme pour commercialiser son produit.
Opportunités : des milliers d’emplois créés, des revenus triplés
« Donc, Glovo devient un partenaire fiable pour la boutique, en termes de communication, de visibilité et de rentabilité. Tout comme il devient plus facile pour l’utilisateur de la plateforme de livrer en quelques minutes un produit », constate le consultant.
En effet, l’entreprise Glovo, via sa plateforme digitale de commande et de livraison, emploie, directement, à ce jour, 60 personnes, et plus de 1000 livreurs. Ces derniers travaillent en freelance, selon le modèle de la Gig Economy ou économie à la tâche ou encore économie de prestations, tous au service de 2000 partenaires et utilisateurs de Glovo.
« Ces personnes sont payées par livraison, et cela leur a permis d’accroitre leurs revenus. Nous effectuons des milliers de livraisons par jour. On a aussi permis à de petits entrepreneurs locaux de développer leurs structures par le doublement, voire le triplement, de leurs chiffres d’affaires. Cela a permis de professionnaliser leurs activités », explique Christian Picard. « On peut le dire, après 3 ans de présence en Côte d’Ivoire, on a compris le marché, et on est arrivé à le dominer », se satisfait-il.
Flexibilité du travail

Sauf qu’un débat sur les conditions sociales de ces livreurs se diffuse dans le milieu professionnel du travail. Des syndicats se créent. Ils propagent des messages insurrectionnels, formulent des revendications, exigent des contrats d’embauche et des salaires garantis à la fin du mois. Ils s’élèvent contre « l’exploitation des travailleurs », sans sécurité sociale (CNPS, assurance maladie, retraite, etc.)
À ces groupes sociaux, Christian Picard répond : « Je veux souligner qu’un livreur moyen, chez nous, gagne 3 à 4 fois ce que le salarié minimum gagne en Côte d’Ivoire. On n’est pas du tout dans l’exploitation, on n’oblige pas à travailler, et c’est la beauté du modèle de flexibilité. La personne travaille si elle en a envie, elle peut décider de ne pas travailler, c’est son choix », argumente-t-il.
« Mais, un Gloveur (livreur) qui accepte de travailler peut avoir du pouvoir d’achat. Et cet accès lui permet d’être entrepreneur demain. Les exemples, il y en a plein », promet-il. Pour lui, plutôt que de remettre en cause la Gig Economy, de susciter des revendications sociales, et ternir l’image de ce modèle économique, il faut le renforcer, l’améliorer, « lui donner un visage humain ».
Transformer le marché du travail et non l’appauvrir
Ce visage humain, la startup Glovo assure, déjà, le donner à ses partenaires par plusieurs séances de formation au cours desquelles elle fait appel à des institutions financières. Entre autres thèmes développés : comment gérer son argent ? comment penser à développer des projets ?
« Nous sommes là pour transformer le marché, et non pour l’appauvrir. Il faut arrêter de mettre en avant le côté négatif. Nous sommes là pour donner la chance à des personnes qui n’en avaient pas, des personnes qui n’ont pas un niveau d’éducation très haut qui, aujourd’hui, ont des revenus élevés. Plusieurs de nos livreurs ont fait des success stories », dit-il. Et la clé de ces succès réside dans la satisfaction du besoin du client.
Du reste, pour améliorer ses services, le directeur-pays de Glovo fait des suggestions : « Il faut que les infrastructures routières marchent correctement pour permettre aux livreurs de rouler en toute sécurité, et de livrer rapidement comme dans les pays développés ».
Défis : les moyens de paiement, la connectivité, la cybersécurité et la fiscalité

Il suggère aussi d’alléger le volume des données internet pour l’utilisation des plateformes de e-commerce ou de transport intelligent comme Yango, Uber, ou, pourquoi pas le rendre gratuit. « Pour utiliser Glovo, ça demande beaucoup de data. Et pour ça, certaines personnes refusent de l’utiliser. Le ministère devrait penser comment développer des plateformes à usage gratuit depuis les opérateurs. C’est pour moi le plus gros challenge », estime Christian Picard de Glovo.
Il reste, au final, la crise de confiance des Ivoiriens au paiement électronique. Un obstacle au développement massif du e-commerce. Ces derniers étant encore attachés au paiement cash à la livraison. D’autres étant même ancrés dans les achats au centre commercial, préférant se déplacer plutôt que de passer des commandes via les plateformes digitales.
« Or, le cash ne permet pas de contrôler la finance en tant que telle. Quelqu’un peut faire 1000 ventes et déclarer 500 ventes. Et puis, aujourd’hui, si vous allez sur Facebook, vous trouverez deux ou trois entreprises qui portent le même nom. En termes de régulation, on ne sait pas qui est derrière chaque page. Tout ça pose un problème de confiance (Cybersécurité) », soulève le consultant Medyne Hamidou Diabaté.
L’autorité de régulation des télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI) pourrait apporter des solutions à ces questions pertinentes.
K. Bruno avec Abou Kam