Ils ont laissé passer l’orage avant de donner de la voix. Une voix qui résonne comme un agacement et l’expression d’une colère contre un concurrent mal aimé !
Une semaine après la grève du collectif des propriétaires des points de vente du mobile money en Côte d’Ivoire, les émetteurs de monnaie électronique (EME), Orange money Côte d’Ivoire (OMCI), MTN mobile finances services Côte d’Ivoire (MTN MFS CI), Moov money Côte d’Ivoire (MMCI) ont réagi.
Orange, MTN et Moov contre les 100F de frais de prestation
Dans un communiqué en date du samedi 20 août 2022, ils disent être « conscients de la situation de précarité ambiante » des PDV. Mais, ils « rappellent qu’ils ont toujours supporté les points de vente ». Ensuite, ils « invitent les membres du collectif à la retenue et les exhortent à ne pas entraver le bon fonctionnement des agences ». Enfin, ils « appellent au retrait des frais de prestation venant en sus des frais de commission, et restent ouverts à une discussion constructive et responsable ».
« Pour rappel, sur la période du 9 au août 2022, un collectif de syndicats, associations et autres groupements de points de vente SYNMACI, SYMOPCI, AMMOMOCI, APDVCI, a observé une grève ayant occasionné par endroits des perturbations. Voire l’arrêt de la fourniture des services mobile money, des graves actes de vandalisme et d’atteinte à l’intégrité physique des personnes dans certains points de vente », lit-on dans le communiqué.
« Le 15 août 2022, le mot d’ordre de grève a été levé par ledit collectif qui a toutefois décidé du maintien de l’application de frais supplémentaires, venant en rajout aux frais de commissions existants et dont une part est reversée aux distributeurs pour la rémunération de leurs prestations », regrettent les EME.
Wave considéré comme « un fauteur de trouble »
Il est clair que l’imposition des frais supplémentaires (100F) par les distributeurs est un moyen illégal d’accroitre leurs commissions. Dans le fin fond de l’affaire, la crise des commissions du mobile money est née de la baisse drastique des frais de transfert d’argent par l’opérateur Wave Mobile money. Et l’Union des entreprises de télécoms (UNETEL) ne s’en cache pas.
« Pour mémoire, les changements actuels observés sur le marché du mobile money ont débuté en 2021. La baisse des tarifs suscitée par l’entrée d’un nouvel acteur avec un modèle agressif sur les prix a occasionné des pertes considérables pour les EME et leurs distributeurs, allant jusqu’à un résultat négatif et des pertes d’emplois », dénonce l’organisation en charge du développement de l’économie des télécoms/TIC en Côte d’Ivoire.
Sans le nommer, les opérateurs traditionnels du mobile money en veulent ouvertement à Wave Mobile money. Cette entreprise, en faisant irruption sur le marché avec des frais de transfert de 1%, a jeté de gros grains de sable dans la pâte d’arachide mastiquée depuis une dizaine d’années par Orange, MTN et Moov. Ces derniers appliquaient, auparavant, des frais de 7 à 10% sur les transactions.
Quand Wave casse ses prix à 1%, les populations se ruent vers cet opérateur. La suite est connue. Orange, MTN et Moov sont contraints de s’aligner sur la concurrence au risque de perdre leurs clients. Par conséquent, leurs chiffres d’affaires baissent avec des résultats annuels négatifs. Il s’ensuit parallèlement la baisse de la commission des propriétaires de points de vente mobile money.
Orange, MTN et Moov condamnent la grève
Toutefois, « dans une dynamique de soutien à leurs distributeurs, les taux de commissionnement des EME historiques sont demeurés inchangés. C’est seulement au mois d’avril 2022 que la révision de leurs taux de commissionnement a été opérée après information de leurs partenaires », indiquent Orange, MTN et Moov.
Dans un commentaire de fait historique, on aurait dit que la révision à la baisse des commissions, au mois d’avril, est la cause immédiate de la grève des propriétaires des points de vente. La cause lointaine étant, évidemment, le dérèglement du marché par Wave. Cependant, le débrayage des distributeurs ayant été émaillée d’actes de violence, le communiqué de l’UNETEL est équivoque :
« Tout en ne déniant pas aux prestataires leur droit de grève, MMCI, MTN MFS CI, OMCI, opérateurs historiques du mobile money en Côte d’Ivoire, s’insurgent contre ces actes de violence dont l’objectif manifeste était de les empêcher de délivrer un service minimum aux usagers pendant la grève ».
Ils « rappellent que c’est grâce à leurs investissements importants, et leurs efforts constants en termes de couverture territoriale et d’amélioration des services, que des milliers d’emplois directs et indirects ont été créés dans le secteur et que le taux d’inclusion financière s’est amélioré de manière significative », écrit l’UNETEL
Dans le digital, les choses vont vite…
Finalement, au sortir de cette grève, comme au sortir de toute bataille, il y a les vainqueurs, les perdants, les mécontents, les grognons. Le vainqueur est bien assurément Wave avec sa politique agressive de prix. L’entreprise a la faveur des populations. Grâce à elle, elles font de grosses économies sur les frais de transfert d’argent. Au milieu, Wave gagne de l’argent à la mesure de ses investissements.
Orange, MTN et Moov sont mécontents de cette agressivité. Ces opérateurs sont obligés de s’aligner sur les prix de « l’agresseur ». Ils perdent beaucoup d’argent. Leur image, en tout cas sur ce segment mobile money, est écornée dans l’opinion.
Autres mécontents, grognons, les propriétaires des points de vente. Ils perdent aussi beaucoup d’argent. Pour se rattraper, ils imposent des frais illégaux de 100F. De quoi susciter la colère des Ivoiriens. « A la longue, chacun va garder son argent sous son matelas », menacent certains Ivoiriens sur les réseaux sociaux. Sauf si Orange MTN et Moov trouvent un moyen de contourner les propriétaires des points de vente mobile money.
Juste un rappel : dans le digital, les choses vont vite… Ces entreprises sont des multinationales. Autant, elles ont réfléchi pour inventer le mobile money, autant elles réfléchissent pour trouver un moyen de satisfaire leurs clients. Si les propriétaires de points de vente ne le comprennent pas, ce sera à leurs risques et périls.
K. Bruno