Juste Crépin Gondo est entrepreneur digital, chef de l’entreprise Constellation Africa. Il se définit comme créateur de contenus. Pour lui, le métier d’influenceur, en plein essor ces dernières années, nourrit son homme, à condition d’y mettre du sérieux.
Influenceur très suivi sur les réseaux sociaux, comment êtes-vous arrivé dans ce nouveau métier, qui s’impose aujourd’hui ?
Il y a une confusion. Je ne suis pas influenceur, je suis créateur de contenus. C’est par abus de langage qu’on appelle tout le monde ici influenceur. On considère que lorsque tu crées un compte sur les réseaux sociaux et que tu as beaucoup d’abonnés, tu es un influenceur. Pour revenir à votre question, j’ai commencé par analyser ce qui se passe dans la vie quotidienne, avant de proposer du contenu selon le besoin qui s’exprimait à l’époque, il y a 3 ou 4 ans.
Qu’est-ce qui vous a motivé à embrasser ce métier ?
Je me plaignais beaucoup de la qualité des contenus qu’on nous proposait à l’époque, ça manquait de sérieux, on n’allait pas en profondeur, on ne volait pas très haut. Il y a certes quelques-uns qui réussissaient à sortir du lot, mais pour la majorité, ce n’était pas ça. A force de me plaindre, j’ai décidé de me lancer pour montrer comment il fallait procéder, selon moi, pour avoir un impact sur les gens.
À quel besoin répond l’espace occupé par les influenceurs ?
Les gens avaient besoin de distraction, de formation, d’informations, de donner leurs avis sur des sujets, parce qu’avec les réseaux sociaux, tout le monde est devenu un média, et ils permettent à chacun de donner son point de vue.
Quel est votre positionnement par rapport au débat entre bloggeurs, influenceurs, créateurs de contenus ?
Un blogueur, comme son nom l’indique, c’est quelqu’un qui a un blog. Il écrit des articles, il crée du contenu, mais surtout, il a une ligne éditoriale. Un influenceur, c’est une personne qui, grâce à sa position et son exposition médiatique, permet de changer les habitudes de consommation en influençant, bien sûr, les décisions d’achat des personnes qui le suivent. C’est pourquoi on dit qu’on n’a pas beaucoup d’influenceurs en Côte d’Ivoire parce que donner son avis sur un sujet, pour moi, ce n’est pas être influenceur, c’est plutôt être créateur de contenus sur les réseaux sociaux. Moi, je suis un créateur de contenus.
Comment évaluez-vous le secteur dans lequel vous évoluez ?
Le secteur est en bonne voie. On commence à prendre un peu plus de place, et on nous prend un peu plus au sérieux. Moi, depuis que j’ai reçu mon prix à Dubaï, en qualité de meilleur influenceur positif, ça m’a mis encore plus la pression. Mais, en même temps, j’apprécie l’initiative parce que c’est valorisant pour ce qu’on fait. Beaucoup de personnes ne voient le travail que nous faisons en amont. On voit plutôt le produit final, celui qui est diffusé, mais je vous assure que, parfois, sur un contenu, je passe 7h, j’écris tard la nuit, je fais beaucoup de recherches pour avoir les bonnes informations. C’est sûr que parmi nous, il y a certains qui le font moins parce que leur positionnement, c’est l’actualité qui fait le buzz.
Sur les thématiques que vous abordez, comment travaillez-vous pour avoir des avis pertinents ?
Tout part d’un constat. J’observe un problème dans la société ou j’ai des retours de certaines personnes ou encore dans des conversations, j’entends des personnes se plaindre sur un sujet. Quand je rentre, je fais des recherches là-dessus. Souvent aussi, j’ai des inspirations qui me viennent à 1h ou 2h du matin, je me lève, j’écris jusqu’à 6h ou 7h, pour produire le meilleur des contenus. Dans tous les cas, il faut être dans le calme pour écrire. Enfin, j’ai recours à ma bibliothèque à la maison, je fais sortir des livres sur ces thématiques pour lire, fouiller, creuser afin d’avoir le maximum d’informations et écrire mon contenu.
Comment appréciez-vous les dérives dans votre milieu ?
Je pense que tant que ce n’est pas qui nous payons les téléphones et la connexion des gens, ils sont libres de faire ce qu’ils veulent si ça respecte la liberté des uns et des autres. Après, qui suis-je moi pour juger le travail de quelqu’un ? Une personne a sa communauté, elle est adulée, c’est Liké, c’est partagé, c’est qu’elle occupe une place importante dans la vie des gens ! Mais, j’observe une chose : on ressemble à la communauté qu’on crée. Quand quelqu’un est sérieux, il va créer une communauté sérieuse. Mais, on ne peut pas être tous sérieux. Il faut aussi des gens pour distraire, faire des contenus drôles, pour apporter une autre touche, et on a besoin de tout le monde pour faire le monde. Donc, je ne les juge pas. Ils ont leur place, et ils occupent tellement bien leur place que c’est eux qui ont la plus forte des audiences.
Est-ce que le métier est rentable ?
Le métier est rentable quand tu réussis à le transformer en business. Si tu ne fais pas que du contenu pour du buzz, pour des partages et pour des Likes. Quand tu en fais un métier, les marques te courent après, les institutions ont besoin de toi pour le sérieux et l’application que tu y mets. Mais, c’est très chronophage de réussir à avoir ce positionnement. Ça prend beaucoup de temps, ça demande beaucoup de travail, mais on en vit bien quand on le prend au sérieux. C’est vrai que moi j’ai d’autres sources de revenus, avec la télé, les radios, j’ai aussi une entreprise et le digital en tant que créateur de contenu.
Le gouvernement porte en ce moment un projet de loi pour réglementer le milieu des influenceurs, blogueurs, web-humoristes etc. Comment appréciez-vous cette démarche ?
Pour prendre de telles décisions, il faut appeler les gens qui sont dans le métier pour comprendre ! Lequel des influenceurs ou des humoristes le gouvernement a-t-il approché pour comprendre comment ça fonctionne ? Comment on veut parler à la place des personnes sans comprendre les implications de leur métier ?
C’est quand même le gouvernement…
Oui, mais le gouvernement ne sait pas tout ! Ce n’est pas parce que c’est le gouvernement qu’il sait tout ! Ils vont prendre une décision aujourd’hui, dans leur posture, ça les arrange, mais est-ce qu’ils consultent les personnes concernées ? Est-ce qu’ils nous appellent pour nous dire voici telle décision que nous voulons prendre, est-ce qu’on en débat ? Ou bien, c’est quoi, on va nous imposer certaines choses ? Mais, le fait d’imposer, ça va créer d’autres soucis parce que les gens verront cela comme une privation de la liberté d’expression.
Que proposez-vous ?
Il aurait fallu nous approcher, discuter avec nous, dire voici ce qu’on veut faire, comment on compte le faire, et ensemble on aurait trouvé des solutions. Sinon donner des restrictions, prendre des décisions comme ça, je pense que c’est un peu difficile à avaler. Mais, vous savez, on est habitués à beaucoup de décisions prises, et puis en termes d’applications, il y a toujours des absents quoi !
Entretien réalisé
Par K. Bruno avec Abou Kam