La Fondation Friedrich Naumann a organisé une Journée d’études sur « Le futur du marché du travail en Côte d’Ivoire », le mardi 13 septembre 2022, à l’hôtel Novotel, au Plateau-Abidjan. Selon Magloire N’Déhi, chef du bureau de la fondation à Abidjan, ce futur se résume en une terminologie : La Gig Economy.
Le lexique digital poursuit son enrichissement. Aussi dynamique que ce secteur d’activités, qui modifie progressivement et subtilement le monde et le mode de vie des hommes. Quoique les terminologies qui en émergent renvoient toutes à des faits sociaux connus, auxquels peu prêtent attention. « Toujours est-il qu’elle est là la 3ème révolution, voire la 4ème avec l’ubérisation des emplois », postule Magloire N’Déhi.
La Gig Economy ou l’économie de prestations
C’est que, autant les innovations se multiplient, autant le monde se digitalise. Et autant le monde se digitalise, autant l’économie se transforme, et le marché du travail s’en trouve bouleversé. Désormais, ce marché est sous l’empire de l’économie de prestation réalisée aux moyens de plateformes digitales. Ce phénomène a donné naissance à ce qu’on appelle la Gig Economy.
« La Gig Economy est donc l’économie à la tâche. Un écosystème permettant au travailleur salarié ou non de se procurer des revenus dans le cadre d’emplois temporaires surnommés Gig. Au départ, cette appellation fait référence aux musiciens, payés à chaque concert. Aujourd’hui, avec l’évolution du numérique, la Gig désigne tout travailleur indépendant, également appelé autoentrepreneur payé à la tâche. On parle aussi d’économie à la tâche », clarifie Magloire N’Déhi.
Services offerts à partir d’une plateforme digitale professionnelle
Dès lors, la vision du salarié qui attend impatiemment son dû à la fin du mois disparait. Via une plateforme digitale professionnelle, les prestataires proposent leurs services, tandis que les employeurs ciblent spécifiquement la main-d’œuvre dont ils ont besoin. Ainsi, du côté du prestataire, la Gig Economy permet une assez grande flexibilité, une assez grande liberté. Quant aux entreprises, la Gig leur ouvre un environnement d’agilité et une réduction du coût du travail.
Cette nouvelle économie favorise, aussi, au dire du chef du bureau de la Fondation Friedrich Naumann à Abidjan, la libéralisation et de la débureautisation du travail. « Maintenant, avec le digital, on a cette flexibilité de travailler à partir de la maison et non plus forcément d’avoir un espace bureaucratique, physique comme nous l’avons connu durant des siècles », précise-t-il.
Les secteurs impactés par la Gig Economy
Du reste, la Gig Economy qu’on pourrait traduire en français « économie à la tâche » ou « économie de prestation » se diffuse dans plusieurs secteurs. Notamment, les services de chauffeurs, les services de personnel de maison, les services aux entreprises, les services de livraison, et les soins médicaux.
Magloire N’Déhi partage ici son expérience : « Ce matin, j’ai utilisé les services Uber. Le chauffeur au volant n’est pas un chauffeur habituel ou professionnel. Il a sa propre voiture, il utilise une application pour le transport de personnes. C’est une nouvelle économie à laquelle nous devons nous habituer ».
« Il y a quelques mois, j’étais en Afrique du Sud. Je n’ai pas eu besoin d’aller dans un hôtel. Je me suis connecté à partir de mon téléphone sur la plateforme AirBnB, et j’ai réservé une résidence, pas un hôtel. Je vous assure que cette résidence répond aux mêmes critères et normes qu’un hôtel. Tout le confort que j’attendais ! », ajoute-t-il.
Des entreprises comme Glovo, Dabali Express, Jumia Food pour la livraison de nourriture, Uber, Yango, Mon Woyo pour le service de taxi ou de chauffeur, sont des cas pratiques de la Gig Economy. Elles offrent autant de services répondant aux besoins des populations, au-delà des entreprises classiques. « Il va falloir compter avec cette nouvelle forme d’économie à la tâche », prévient Magloire N’Déhi.
La Gig Economy : une opportunité pour l’Afrique

Bien que très répandue en Amérique et en Europe, la Gig Economy est une opportunité que l’Afrique devrait pouvoir saisir et exploiter à fond, au regard de la structure générale de son économie. « Par conséquent, il devient urgent d’organiser la réflexion pour tirer parti de l’économie à la tâche en la vulgarisant, et surtout anticiper les réformes », alerte le chef du bureau Abidjan de la Fondation Friedrich Naumann.
Il estime d’ailleurs que la réforme du secteur du transport que le gouvernement envisage avec une nouvelle loi applicable aux VTC (Véhicules de transport avec chauffeur) est sans doute contre-productive. Ses interrogations vont dans ce sens : « Est-ce que cette réforme sera efficace ? Permettra-t-elle de garantir cette nouvelle forme d’économie à la tâche ? Est-ce que les solutions proposées sont les mieux adaptées ? »
Ici s’affirme l’urgence d’engager la réflexion pour ne pas subir les dégâts que pourrait entrainer la Gig Economy « si nous ne sommes pas suffisamment préparés ». Un indice : selon le rapport sur l’avenir de l’emploi du Forum économique mondial de Davos (Suisse), 50% de tous les employés auront besoin d’une requalification d’ici à 2025 à mesure que l’adoption des technologies augmentera.
Un continent et un pays avertis en valent deux…
Par K. Bruno avec @Abou Kam