Le 12ème rapport de la Banque mondiale sur la situation économique de la Côte d’Ivoire accorde la primeur au développement du numérique pour générer des ressources et créer de l’emploi.
Le secteur du numérique occupe une place non virtuelle dans le dernier et 12ème rapport de la Banque mondiale sur la situation économique en Côte d’Ivoire, présenté, mercredi, et remis au gouvernement. Les chiffres communiqués par Hermann Djédjé Yohou, économiste-Banque mondiale, auteur du rapport, valent bien plus que des mots.
Des emplois, des transactions financières, des start-ups…
Au tableau, le secteur des télécoms a créé 1.00.000 emplois indirects, 3.000 emplois directs et généré un revenu de près de 1.139 milliards. 9,5 millions de personnes utilisent internet. Toutefois, sur Facebook précisément, seuls 7,1% des 24,3% qui y ont accès sont capables de faire des achats en ligne.
Au demeurant, seuls 34% de population utilise le mobile money, même si la Côte d’Ivoire est leader sous régional avec 39% du marché de l’Uemoa. Malgré ce rang flatteur, les services de base prépondérants restent les encaissements, les transferts aux personnes, la conservation d’argent, les achats, et 80% des échanges des commerçants se font encore en espèces.
Quant aux start-ups ivoiriennes, elles ont mobilisé, en 2020, 6,5 millions de dollars contre 8,8 millions de dollars au Sénégal, et 111 millions de dollars au Ghana. Le gap est si important entre ces pays et la Côte d’Ivoire que la Banque mondiale appelle à des actions urgentes. Surtout dans le domaine de la formation où 20% des start-ups relèvent comme difficulté majeure l’accès aux compétences numériques.
Le haut débit de l’internet
Le numérique opérant sur le réseau internet, la Banque mondiale constate une progression de la bande passante internationale en gigabits, passée de 150 en 2016, à plus de 500 en 2020, soit 4 fois supérieure en 4 ans. Du reste, l’institution financière internationale observe dans le pays une bonne desserte de la population en réseau internet, au-delà de 60%, et un cadre réglementaire en cohérence avec les standards internationaux. Le taux d’abonnement unique s’affiche, lui, à 53%. Mais, en comptabilisant les taux de multiples abonnements, la Côte d’Ivoire atteint, 142%.
En revanche, le coût du haut débit combiné aux services voix et sms, le moins cher en pourcentage du revenu national brut, est de 6% en Côte d’Ivoire, 1,7% au Ghana, 3% au Sénégal. Et seuls 5% de la population a accès à l’internet haut débit fixe, généralement des couches aisées des zones urbaines, quand 70% des femmes adultes n’ont pas accès au téléphone. « Ici aussi, il y a des gaps importants à réduire », conseille l’économiste de la Banque mondiale.
La Côte d’Ivoire est, par ailleurs, leader sous régional des plates-formes gouvernementales, avec 90% de procédures dématérialisées, une digitalisation des principaux paiements dans l’administration fiscale, l’administration des emplois, la communication, etc.
Les perspectives financières du digital de la Côte d’Ivoire
Que dit l’avenir ? D’après une étude du SFI et de Google, le potentiel que la Côte d’Ivoire pourrait tirer du digital est estimé à 5,5 milliards de dollars (3300 milliards FCFA) d’ici à 2025. Ce potentiel peut être quadruplé à 22 milliards de dollars (14 mille milliards FCFA) d’ici à 2050. En valeur nominale, ces chiffres représentent 2,5 points supplémentaires au PIB.
Selon la Banque mondiale, le gouvernement ivoirien est conscient de cette dynamique. Il a, par conséquent, mis en place plusieurs stratégies : la stratégie numérique 2025, la stratégie nationale de cybersécurité, la stratégie d’innovation 2025 « en lien avec l’idée fondamentale que le digital est source de productivité ».
Mais, pour saisir cette opportunité, il faut des actions autour des 5 piliers de l’économie numérique : les infrastructures, les plates-formes numériques, les services financiers, l’entrepreneuriat et la formation-compétence.
Ouvrir le marché des infrastructures, renforcer le canal USSD…
L’un des défis majeurs, en termes d’infrastructures, est la réduction de la fracture numérique entre les zones urbaines et rurales, et entre les hommes et les femmes. La Banque mondiale recommande alors le renforcement de la couverture réseau. Ses pistes de solutions portent sur la capitalisation du réseau national de fibre optique, une ouverture du marché des infrastructures et d’internet fixe à d’autres opérateurs, la sécurité en ligne, les partenariats public-privé.
Les inégalités s’exprimant également dans l’accès aux services financiers, Hermann Djédjé Yohou prône la promotion des services de seconde génération. Entendez par là, les assurances, le crédit, le renforcement de nouveaux instruments financiers. De même qu’il appelle au renforcement du canal USSD pour favoriser l’installation et le développement des FinTech.
La Côte d’Ivoire vers une Start-up nation
Tout compte fait, avec une population jeune (80% de la population), une croissance urbaine galopante en lien avec les progrès économiques, la Côte d’Ivoire est un terreau fertile au déploiement du numérique. Devenir une start-up nation est une possibilité. Si les défis de financement des start-ups, de culture entrepreneuriale, d’accès aux compétences numériques, etc., sont relevés.
D’ailleurs, le savoir-faire des start-ups peut servir à une meilleure structuration des plates-formes du secteur public. Certes, celles-ci progressent, « mais la multiplicité n’est pas source de diversité, elle est au contraire source de fragmentation, de compétition entre les différentes administrations, et cela limite l’interopérabilité nécessaire à des services digitaux efficaces », explique Hermann Djédjé Yohou.
Il propose, dans cette perspective, un ancrage institutionnel fort, un plan directeur où les responsabilités sont situées autour d’un objectif précis : l’interconnexion entre les différentes plates-formes pour sécuriser les besoins des usagers. « Il faut clarifier le rôle de chaque plate-forme », suggère-t-il.
Au final, le 12ème rapport de la Banque mondiale sur le numérique en Côte d’Ivoire cède au pouvoir du digital. Pour bien longtemps. Entretemps, la technologie a changé nos mœurs, nos actions, notre façon de commercer, notre façon d’échanger, et même notre façon de tomber amoureux. Mais, surtout, l’argent y circule
K. Bruno