Dans une Côte d’Ivoire qui bouge à travers le numérique, un écosystème des Start-ups, des incubateurs et des accélérateurs se développe. Zoom sur cet écosystème qui contribue au développement du secteur du numérique en termes création d’emplois et d’entrepreneuriat.
La Côte d’Ivoire est-elle sur la voie d’une start-up nation ?
Le ministre de l’Économie numérique, des Télécommunications et de l’Innovation, Roger Félix Adom, a mis en route, le lundi 6 décembre 2021, l’initiative Startup4Gouv, à la Maison des entreprises (CGECI), à Abidjan. L’objectif est de fédérer les meilleures start-ups du pays en collège d’entreprises technologiques et innovantes, à travers Côte d’Ivoire Innovation 20 (#Ci20).
L’initiative Startup4Gouv
Ci20 devrait accompagner le gouvernement, grâce à son expertise technique et pratique, dans la mise en œuvre de projets inhérents à la transformation numérique du pays. Fort de 11 lauréats du Prix national d’excellence et plus 85 prix nationaux & internationaux, les 16 jeunes entrepreneurs constitutifs de ce collège ont une ambition : donner à la Côte d’Ivoire et à l’Afrique de véritables champions nationaux, créateurs de milliers d’emplois, à l’image d’une vraie start-up nation.
Des start-ups championnes du numérique
D’ailleurs, quelques champions se sont déjà remarquablement illustrés. Entre autres, UCoin (Ubuntu Coin), une société créée par Mamadou Kwidjin Touré, ancien dirigeant de General Electric Afrique. La société a pour but de démocratiser la possession de l’or en Afrique et au sein de la diaspora. Elle a, par exemple, lancé “U-Gold”, un certificat numérique garanti par de l’or divisible et transférable sur la blockchain en temps réel.
Ensuite, JANNGO, le premier « social start-up studio » en Afrique, c’est-à-dire une start-up qui en lance d’autres. En mai 2018, JANNGO a réussi à lever des fonds d’amorçage d’un million d’euros, et à lancer sa première startup-plateforme, JEXPORT, une solution digitale qui facilite la logistique à l’import-export pour les PME.
Quant à Volaille d’or, créée en 2013 par Ben Aziz Konaté, avec un capital de 60 000 FCFA, elle est, devenue, 6 ans plus tard, avec ce modeste producteur et vendeur de poulets de 24 ans, une société qui compte 17 employés permanents. Le magazine Forbes l’a désigné comme l’un des 30 jeunes africains les plus prometteurs en 2018.
Enfin, Akil Technologies, une entreprise de services numériques dont la solution-phare AKILCAB, est une suite logicielle basée sur le système SYSCOHADA. Une solution qui offre la possibilité aux experts-comptables d’offrir à leurs clients l’édition et la télétransmission des états financiers, de la saisie d’écriture à la production d’états comptables entièrement dématérialisés.
Créer avec peu de moyens des solutions innovantes
Ces entreprises ont des points communs. Ce sont de jeunes-pousses, nouvellement créées, généralement à la recherche d’importants fonds d’investissement, avec un très fort potentiel de croissance économique et de spéculation financière sur leur valeur future. On les appelle, dans le langage digital, start-ups d’innovation. Elles sont identifiables par des critères sur lesquels s’accordent les spécialistes : la perspective d’une forte croissance, la création ou l’utilisation du numérique, le besoin d’un financement massif.
Répondre à des besoins immédiats
« Les meilleures innovations naissent de frustrations. Évoluer dans un milieu où tout est à réinventer, en permanence, a suscité un état d’esprit unique au sein des communautés africaines. Créer avec peu, rapidement et de manière ultra-fonctionnelle pour répondre à des besoins immédiats en proposant des services abordables à toutes les bourses… Les solutions qui percent et émergent de cet univers sont de véritables fusées ! », analyse Samir Abdelkrim, fondateur de Startupbrics.com, chasseur de start-ups africaines ou business angel.
Pour tout dire, les start-ups développent des projets innovants au profit des structures publiques et privées, opérant, par exemple, dans la banque, le commerce en ligne, la finance technologique (Fintech), la comptabilité, l’assurance, la santé et même dans l’agriculture.
Les incubateurs et accélérateurs de start-ups
Pour être à la fois inclusives et efficaces, selon Samir Abdelkrim, les start-ups ont besoin de visibilité, de soutien financier et de renforcement des partenariats. Elles évoluent dans un écosystème au fonctionnement lui aussi innovant.
Un jeune entrepreneur a une idée, un projet. Il s’adresse à incubateur de Start-up appelée couveuse ou pépinière d’entreprises ou encore accélérateur de startup. Il s’agit des structures d’accompagnement de projets de création de jeune entreprise. Celle-ci apporte un appui à l’entrepreneur en ce qui concerne l’hébergement, la formation, le conseil et le financement, lors des premières étapes de la vie de son entreprise. « Plus tard, quand ça marche, le porteur du projet et l’incubateur ou l’accélérateur partagent le butin selon le contrat d’accompagnement », éclaire un spécialiste.
« Nous travaillons, avec le soutien de nos partenaires historiques du territoire Aix-Marseille-Provence, et au travers de projets comme EMERGING Valley, le SIBC (Social & Inclusive Business Camp) ou EMERGING Mediterranean, à dénicher et soutenir les start-ups. Et les choses vont dans le bon sens ! », rassure Samir Abdelkrim.
Des exemples d’incubateurs ou d’accélérateurs
En termes d’accompagnement des start-upers, Orange Côte d’Ivoire est montée au créneau avec Orange Fab Abidjan, associée à Ci20, son premier incubateur en Côte d’Ivoire. Une première promotion de jeunes pousses ivoiriennes a bénéficié d’une phase d’accompagnement sur 12 semaines.
Jokkolabs, l’un des premiers espaces de travail collaboratif d’Afrique de l’Ouest basé au Sénégal, n’est pas en reste. Il a ouvert un espace à Abidjan. Tout comme Seedspace Abidjan, un espace de travail collaboratif où les entrepreneurs et startups technologiques trouvent le meilleur service et environnement pour nourrir leurs idées et développer leur activité.
Il y a aussi l’initiative gouvernementale Dream Factory de Côte d’Ivoire PME : l’incubateur créé pour donner aux entreprises des fondements solides et durables. Dans le cadre de la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie de développement des PME (Progamme Phoenix), le gouvernement a décidé de la création d’incubateurs d’entreprises en Côte d’Ivoire.
O’Village s’y est également mis en animant les communautés ivoiriennes passionnées par le blogging, l’open innovation et les logiciels libres. O’Village peut, dans un sens, être qualifié de tiers-lieu du libre et d’open-source. Des start-ups de profil et de formation différents, s’y retrouvent pour échanger, discuter, partager, collaborer.
L’univers des start-ups est bouillonnant. La multiplication, à Abidjan, des évènements qui leur sont consacrés en est une manifestation. Elle montre aussi l’esprit de créativité des jeunes ivoiriens. Sur la table, sont posés des sujets très ciblés, sur lesquels les participants partagent leurs expériences et conseils dans un esprit collaboratif. Par exemple, comment trouver un cofondateur ? Comment réussir une collecte de fonds ? Comment développer une application ? Un signe de la maturité de l’écosystème technologique ivoirien depuis quelque temps.
Le gouvernement prend le leadership
En fin de compte, l’initiative Startup4Gouv, soutenue par un fonds d’accompagnement de 500 millions FCFA vient de s’ajouter à ces initiatives privées. Elle s’inscrit dans la vision du gouvernement de faire de la Côte d’Ivoire un pays moderne, tourné vers les technologies du futur. Et la prochaine adoption d’une loi sur les start-ups devrait leur offrir un bien meilleur cadre de développement, comme c’est le cas dans une start-up nation.
Quand on n’a pas d’argent, il suffit d’avoir des idées. Ainsi pourrait se résumer l’univers des start-ups. Certes, les start-ups ivoiriennes n’ont pas encore acquis la notoriété de leurs consœurs ghanéennes et nigérianes qui sont sur la bonne voie d’une start-up nation, mais de plus en plus d’applications mobiles produites à Abidjan sont très attractives et pourraient demain apporter des solutions à un public international.
L’essentiel est fait. La décision est prise. Or, une décision n’est bonne que lorsqu’elle est prise, écrit Beaumarchais. L’avenir des start-ups appartient donc aux défricheurs d’avenir.
K. Bruno